Extrait de Le Masochisme en Amérique

De BiblioCuriosa

Extrait de / Excerpt from : Le Masochisme en Amérique.


Un reportage raté

...

La personne qui s’était introduite à bord sous des vêtements de femme et qui n’était qu’un reporter avide de révéler au public profane les plus intimes détails du voyage, s’était fait conduire à bord la veille au soir. Les larmes aux yeux, cette personne avait expliqué qu’elle désirait se rendre chez ses parents à Détroit, qu’elle ne possédait pas l’argent nécessaire pour s’y transporter par bateau ou chemin de fer, et serait heureuse de rendre n’importe quel service à bord, si on consentait à l’emmener.

Cédant à ses instances, qu’elle croyait sincères, la jeune femme lui avait permis de rester, d’autant plus qu’on avait besoin d’une domestique supplémentaire pour venir en aide à Bessie, la négresse qui était au service de la maison Morton depuis de longues années.

Mme Howard aperçut aussitôt le côté délicat et désagréable de la situation. Mrs. Morton avait passé la nuit à bord seule avec Bessie — et un jeune homme! Qui pouvait garantir que, si on le débarquait tout de suite, ce jeune effronté ne se vanterait pas d’avoir passé quelques heures avec Mrs. Morton?

Cette dernière, d’habitude si énergique, ne put retenir ses larmes, des larmes de colère. La doctoresse se consulta, puis, tout à coup, l’expression de son visage indiqua clairement qu’elle avait trouvé une solution.

— Chère amie, fit-elle, il faut agir avec ce garçon de façon à ce que, dans son propre intérêt, il s’estime heureux que qui que ce soit puisse jamais à l’avenir révéler sa présence parmi nous. Il nous faut l’emmener. Je me charge du reste. Je te garantis que le gamin ne racontera jamais à qui que ce soit la façon dont nous l'avons reçu.

Bien qu’à moitié rassurée, Mrs. Morton donna carte blanche à son amie. On convint de ne rien dire à la pseudo-femme de chambre, ni aux jeunes femmes qui déjà étaient en train de larguer les voiles. Bientôt le yacht se balança sur les flots du vieux lac Michigan. Le port de Chicago disparut à la vue et c’est à peine si l’on put distinguer les rives de l'Illinois. Le moment d'agir était arrivé pour la doctoresse. Elle chargea Bessie de lui envoyer la nouvelle femme de chambre dans sa cabine, tandis que toutes les autres dames se trouvaient sur le pont.

— Vous avez mauvaise mine, mon enfant, dit-elle d’un ton amical à Harry qui était réellement pâle. Venez vous asseoir auprès de moi, je suis médecin, je pourrai peut-être vous soulager.

Harry, ou plutôt Lizzie, qui était le nom qu’il avait donné à Mrs. Morton, assura qu’il ne se sentait pas du tout souffrant. Mais sa figure démentait cette affirmation. D’ailleurs, l’allure de la doctoresse le démonta complètement et il se prit à se reprocher la témérité avec laquelle il s’était embarqué dans cette fâcheuse entreprise.

— Je veux vous examiner, mon enfant, que vous le jugiez utile ou non!

Ceci dit, la robuste doctoresse attira sur ses genoux le malade qui se débattait.

— Pourquoi vous défendez-vous si énergiquement? Cela n’a rien d’extraordinaire d’être déshabillé par une doctoresse. A l’hôpital, j’ai même aidé à dévêtir des hommes !

L’énergique matrone avait déjà dévêtu à moitié le pauvre Harry et elle se disposait à déboutonner le dernier vêtement qui le couvrait.

Le pauvre garçon n’y tint plus. Tombant à genoux, il avoua son sexe et les circonstances qui l’avaient amené à bord.

Avec un éclat de rire haineux, Mme la doctoresse Howard lui appliqua trois gifles retentissantes.

— N’importe, mon cher, tu vas enlever ton jupon. Les pantalons, bien qu’ils soient de fine batiste, suffiront à couvrir ta nudité. Après cela, mon petit, tu viendras te coucher sur mes genoux. J’ai un fils qui n’a que la moitié de ton âge, je vais te corriger comme je le corrige quand il se conduit mal...

Elle souleva le jeune homme qui poussait des gémissements de honte et le jeta sur ses genoux. Sa main puissante se mit à tomber sans relâche sur le mince pantalon. Le malheureux se mit à pousser des cris de douleur tels qu’on l’aurait cru sur le pal. Attirées par ses hurlements épouvantables, toutes les invitées apparurent soudain sur le seuil de la cabine.

Sans se laisser intimider par les nouvelles arrivées, la doctoresse continua tranquillement sa besogne de masseuse. Sa victime avait à peine encore la force de crier qu’elle lui affirma que ceci n’était qu’un avant-goût de ce qui allait venir.

D’une poussée, accompagnée d’un coup de pied plein de mépris, elle jeta le misérable aux pieds de la capitaine Morton.

— C’est vous qu’il a le plus gravement offensée, ma chère. Si vous ne voulez pas le châtier vous-même, laissez Bessie remplir le rôle de bourreau.

Mrs. Morton avait l’air d’un vrai démon. Ses yeux lançaient des éclairs et son visage avait pris l’expression d’effrayante et horrible beauté que l’on prête aux mauvais génies.

— Moi, ne pas punir ce misérable? J’aurais, au contraire, plaisir à le voir périr de mes mains! Mais je remets ma vengeance à plus tard. Pour l’instant, on va simplement le fouetter, d’après les règles anciennement usitées dans la marine. Bessie remplira les fonctions de quartier-maître. Qu’on l’attache au grand mât !

La résistance était inutile ! Les douze jeunes femmes qui, chacune, se proposaient de régler son compte à Harry, le tirèrent en le bousculant hors de la cabine sur le pont et ramenèrent au pied du mât. En un clin d’œil, il fut garrotté et ligoté, puis, comme s’il se fût agi d’une simple voile, on le hissa jusqu’à ce que la pointe de ses pieds effleurât à peine le plancher du pont.

La capitaine envoya Bessie chercher le grand fouet qui servait d’habitude à corriger l’énorme dogue, l'animal favori qui faisait partie de tous les voyages.



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