Extrait de L'École du fouet

De BiblioCuriosa

Extrait de / Excerpt from : L'École du fouet.


— Apportez-moi ma chambrière.

C’était un grand et élégant fouet comme celui dont on fait usage dans les cirques, surtout quand on présente dans l'arène les chevaux dressés en liberté, et dont la mèche en se développant atteint le but à quinze pieds de distance avec efficacité.

M. Louis se servait de cet instrument avec une grande maîtrise, car c’était un flagellant émérite. Nul comme lui ne s’entendait à manœuvrer la chambrière, dont il parvenait à simuler le feu crépitant d'une fusillade, tant il savait tirer de nuances, suivant la saccade de son poignet qui se prolongeait tout le long jusqu’à la pointe de l’immense mèche. Pour dire tout, c’était comme si le fouet doué de vie et obéissant à la volonté du flagellant, faisait alors partie de l’organisme du cruel professeur.

Il avait l'habitude de s’asseoir tranquillement dans un fauteuil quand il procédait à une flagellation, ce qu’il considérait comme un acte fort sérieux en même temps que le plus délectable des plaisirs, et, tout comme un Anglo-Saxon, il prétendait alors prendre toutes ses aises.

Il ne manqua pas de se conformer à ses habitudes. Un grand fauteuil, un véritable trône, fut poussé au milieu de la salle par les servantes respectueuses.

Cependant, Lucie lâchée par les négresses était tombée la face en avant, sur le ventre, et elle restait là, sanglotant, pleurant, se démenant des jambes, comme un enfant qui a été corrigé et dont les manifestations de terreur, de colère et de souffrance se confondent.

M. Louis fit claquer son fouet.

A ce bruit éclatant et lugubre à la fois, la jeune fille redoubla ses cris et ses larmes, mais ne sembla pas disposée à se redresser, car elle ne fit aucun mouvement pour cela.

Le professeur cria :

— Debout !

Mais décidément, dans la persistance des supplices, la colère avait fini par l'emporter sur la terreur, car celle-ci se traduisit par des cris plus stridents, plus éplorés et non pas par une abjecte obéissance.

M. Louis fit encore claquer son fouet sans obtenir d’autre résultat.

Alors, M. Louis, d’un mouvement sec de son poignet, lança la mèche qui, sinueuse, s’allongea et mordit en travers les fesses de la jeune fille, tandis que la pointe, comme le dard d’un serpent, la mordait sous l’aisselle.

Sous cette douloureuse piqûre, avec cette douloureuse cinglée, la jeune fille sembla mue par une secousse électrique. D’un bond elle fut debout et criait :

— Oh ! Assez... Pitié... Oh ! ne me tuez pas... Grâce, je vous supplie.

Elle avait couru tout en parlant ainsi, et comme une pauvre bête traquée par le chasseur, elle allait se blottir derrière la chaire professorale. Mais la cruelle mèche eut vite fait de la chasser de cet abri.

Elle regarda autour d’elle, d’un air égaré, secoua sa tête naguère si jolie et maintenant étirée par l’expression d'un affreux désespoir. Puis elle s’élança en entendant claquer le fouet. Mais la mèche sinueuse et souple l’eut vite rejointe, s’enroula autour de son buste, cingla le gras des bras et la belle poitrine aux seins arrondis d’un coup terrible sous lequel elle chancela, puis tomba un genou à terre.

Déjà un nouveau claquement de l’impitoyable fouet l’avertissait d’une nouvelle et imminente attaque.

Elle se relevait vivement.

M. Louis dans le dessein farouche de faire durer le jeu plus longtemps, émettait des claquements rapides et secs, une vraie pétarade dont le tapage retentissait lugubrement aux oreilles de la misérable suppliciée et l'affolait au plus haut point.

Elle reprit sa course, toujours poursuivie par l’épouvante de cette infernale pétarade qui déchirait son tympan et perpétuait son angoisse à lui faire croire que son cerveau allait éclater.

M. Louis de nouveau, lançait le fouet, ravivait les chairs pantelantes. Lucie tombait tout de son long, avec un hurlement rauque qui n’avait plus rien d’humain.

Puis la menaçante série de claquements recommença, et, comme si la victime était galvanisée par cet affreux bruit, elle se releva encore pour une fuite chimérique et vaine.

Par monosyllabes, par lambeaux de phrases, elle implorait le maître.

— Oh !... Non !... Si vous saviez... Ah ! quelle torture... Oh ! pardonnez-moi... Je vous aimerai... Oui ! Tout... Je ferai tout pour vous plaire.

Un nouveau coup interrompait sa plainte. Elle s’écroula avec un grand soupir. M. Louis comprenait qu’elle était à bout. Alors, il fit signe aux négresses qui enlevèrent Lucie évanouie, et l’emportèrent dans la chambre de M. Louis.



Livres numériques avec couverture illustrée et 5 illustrations en formats PDF et ePub en vente aux Éditions Biblio Curiosa