Extrait de Au service du sultan rouge

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Extrait de / Excerpt from : Au service du sultan rouge.


Paul Liouville avait gardé un souvenir très net de Myriam Nichan, lors de l'entrevue qu'ils avaient eue ensemble à Marseille. Il se rappelait parfaitement la dignité et l'élégance de la jeune fille, son visage gracieux et pur, ses formes déjà pleines et harmonieuses. Aussi fut-ce avec un sentiment de curiosité angoissée qu'il pénétra dans la pièce fatale.

La jeune fille était liée sur le banc de torture, complètement nue. Sa chevelure même était dénouée et tombait en lourdes nappes sur ses épaules, cachant presque les traits affolés de la malheureuse. La taille était fine et svelte, les flancs harmonieusement arrondis ; la croupe large et les membres vigoureux attestaient le complet épanouissement des formes féminines. Seuls les seins graciles indiquaient la jeunesse de la suppliciée.

Au moment où les Turcs entrèrent, les bourreaux, deux grands Nubiens à la figure d'ébène, s'amusaient à faire subir à la pauvre fille d'odieuses caresses qui lui arrachaient des plaintes sourdes et impuissantes.

« Pas gracieuse, ton épouse, observa Mourad.

— La chienne, répliqua le nègre, elle va changer de chanson. C'est la première fois que nous lui donnons la courbache, mais elle saura tout à l'heure ce que c'est.

— Tu entends, la belle ? railla l'autre noir, tu vas être fouettée et bien fouettée, tu sais que nous ne te ménageons pas.

— Grâce, au secours, s'écria Myriam affolée, au secours ! »

Eniz-Pacha n'avait pas encore éprouvé pareille angoisse. L'Arménienne était devenue par son éducation une véritable Française à ses yeux et il se sentait pris d'une rage folle à la pensée de la voir abandonnée à la cruelle flagellation. Il fermait les poings, serrait les dents, tout pâle sous son teint hâlé. Que pouvait-il faire ? Intercéder auprès du maître ? Son collègue Hassan ne ferait que rire et exciter encore les bourreaux. Agir d'autorité pour empêcher le supplice ? Il n'avait aucun pouvoir pour cela. Dans les mœurs de l'Orient, une esclave, une chrétienne surtout, était livrée au bon plaisir de son possesseur. Myriam attachait sur lui un regard désespéré, le reconnaissant peut-être ; il se détourna avec un grondement de colère impuissante.

Hassan et Mourad s'installaient sur les divans, de façon à pouvoir suivre aisément la marche du supplice. Hassan s'amusa à examiner un des instruments de fustigation.

« Du cuir d'hippopotame, remarqua-t-il, et taillé d'un seul morceau. Cela doit rudement pincer.

— D'autant plus que mes exécuteurs sont devenus de véritables spécialistes de la flagellation des jeunes filles, » répliqua Mourad.

Les deux nègres se plaçaient de chaque côté de la condamnée et levèrent le bras. A la vue des courbaches onduleuses et menaçantes, Eniz eut une fois de plus la tentation de se jeter sur les tortionnaires, et il s'enfonça les ongles dans la chair pour se maîtriser.

Un cri lamentable suivit le bruit mat de la chair frappée. Deux traînées, longues et larges, traversaient les épaules de la victime. Les bourreaux se déplacèrent, cinglant les jambes nerveuses et arrachant encore une plainte plus déchirante. Hassan resta impassible, mais il eut un hochement de tête approbatif, quand, à la troisième reprise, les cruelles courbaches vinrent s'allonger sur les fesses de la jeune fille.



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