Extrait de Les Flagellants

De BiblioCuriosa

Extrait de / Excerpt from : Les Flagellants (2).


A vingt-cinq ans, il ambitionna d'avoir pour maîtresse ou pour épouse, une dame volontaire, aux sourcils froncés, qui trônant en voiture, lui ordonnerait de la traîner, devant laquelle il se coucherait nu afin d'être fouetté, qui le meurtrirait, avec des bottines vernies et à talons d'or, le tutoierait, lorsqu'il lui dirait « vous », affecterait, en lui parlant, le mépris, la souveraineté impérieuse, lui imposerait une condition analogue à celle du cheval au pouvoir d'un maître impitoyable.

En ses conceptions déraisonnables, la femme jouait le rôle de despote, l'homme celui de chien rampant. Assistait-il à la correction d'un enfant par sa mère ; en sa présence, une matrone à la main leste envoyait-elle une magistrale gifle à un apprenti entêté... il jubilait. Si au lieu d'un soufflet, c'était une fouettade, il ne se sentait pas d'aise.

Toutes les brutalités féminines l'enchantaient, et son libido se fut peut-être changé en satyriasis si ces brutalités eussent fini en actes de cannibalisme.

Il ne décelait pourtant pas sa dépression morale. Beau discoureur, pianiste de talent, très amateur du cotillon, il se comportait bien en milieu féminin, et communément on vantait son éducation, son urbanité, ses manières distinguées.

Son voyage en Hongrie fixa son infirmité indécise en la rendant chronique.

Une après-midi, en plein air, à Pest, croisant une jeune fille costumée et bottée à la hongroise, il ressentit une commotion brisante qui se renouvela au décuple le soir, quand au cirque il revit cette troublante personne, un fouet à la main, et forçant des chevaux barbes à s'agenouiller.

A ce spectacle fascinant, son être en turgescence frémit, et il eut la tentation excédante de descendre dans la piste et de baiser les chaussures et la mèche du fouet de la hardie écuyère.

A l'avenir, les bottes vernies hongroises et le fouet, instrument de punition, dominèrent en son esprit ses autres manies érotiques, et constituèrent le fonds de sa déviation.

Sans ces chaussures, portées par une créature à physionomie rébarbative, et sans ce fouet, manié par une fière amazone, il ne concevait point la copulation et ne valait guère mieux qu'un gardien du harem ou que Senestis qui ne parvenait à s'accoupler efficacement que lorsque sa flagellante était coiffée d'un casque de pompier.

Client de la Salaberge, M. de Zincourt avait fait fabriquer, pour la «fouetteuse» qui lui prêtait ses bons offices, une paire de bottes à tiges vernies galonnées d'or et un fouet à pommeau d'argent, et il se pâmait quand, à plat ventre sur le tapis, il recevait de la virulente minette une dégelée numéro un qui le zébrait du haut en bas.



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