Extrait de L'Éducation de Chérubin

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Extrait de / Excerpt from : L'Éducation de Chérubin.


Je vis alors Inès s’avancer vers moi sur l’écume soulevée de sa robe. Face à la glace, elle se posa tout contre ma tête, et les vagues de ses jupes déferlèrent sur mon visage. La pointe de ses pieds m’entrait dans le cou. Au-dessus de moi, son corps élancé dont le corset dessinait une savante cambrure, élevait sur le galbe ensorcelant de ses jambes parfaitement fuselées, le mystérieux arceau ogival des cuisses dont la hauteur s’estompait parmi les somptueuses frondaisons des voiles ajourés.

Sous le clair-obscur de la cloche de soie et de dentelle, j’eus la révélation de l’émouvant mystère qu'abrite jalousement la robe. Ma vision de bas en haut me mettait au cœur même de ce monde des intimités cachées dont, au temps des frou-frous, nous suivions l’appel sur les pas de la femme. Je le surprenais dans les lascivetés de cette vie clandestine qui échappe à nos regards et suspend notre imagination à son murmure. Renversé sur moi comme le calice d’une fleur géante, l’encorbellement ombellifère du magnifique écrin m’abandonnait l’ineffable spectacle de la splendeur des dessous en cette pose de la station debout et de la marche dont la robe nous fait un impénétrable secret. Il faut avoir été couché aux pieds d’une déesse, enfermé dans le cercle magique de la châsse de ses trésors, avoir senti ruisseler sur soi du haut de sa croupe les ondes transparentes de sa délicate lingerie, pour savoir ce qu’est l’ensorcellement de ces superpositions de corolles, de ces involutions de pétales dentelés dont la masse mouvante et légère se balance autour des jambes et ouvre dans le frémissement des dentelles du pantalon le cheminement éclatant des bas de soie jusqu’à l’ivoire de la chair la plus dérobée.

En un effeuillement successif sous les doigts de Mercédès, la belle rose blanche éparpilla sur moi la chute silencieuse et odorante de ses pétales. Et de l’amas des blancheurs sous lesquelles j’étais enseveli, je vis surgir la plus éblouissante nudité.

C’était la Diane chasseresse de Jean Goujon, par l’élancement de sa stature, la gracilité de ses lignes, la souplesse du dos, et la fleur à peine épanouie des seins. L’albâtre de la chair se relevait du mordant des bas pourpre montés jusqu’au pli des cuisses où les retenait la jarretelle d’une gaine de satin noir incrustée de Valenciennes modelant le ventre délicatement bombé entre les sillons de l’aine et accusant encore la saillie de deux fesses hautes, fendues à ravir, d’une grâce et d’une jeunesse toutes printanières.

Du bout de sa botte, Inès me dégagea de sous sa galante dépouille, puis insolemment redressée sur sa cambrure, les bras à ses reins, elle se mit à me fouler cruellement le corps.

— Tiens, me disait-elle en écrasant ma bouche de sa semelle, le voilà le joli petit pied qui te tournait la tête... Fais-lui tes dévotions... Allons, lèche,... lèche comme il faut !

Son caprice cruel s’exerça même à m’introduire entre les dents le cercle d’argent de son haut talon.

Tantôt d’un pied, tantôt de l’autre, elle fourragea les boucles de ma chevelure, pesa sur ma poitrine et mon ventre, trouvant une âcre volupté à martyriser ma chair la plus sensible et à s’enfoncer comme un coin entre mes cuisses.

Pendant ce temps, Mercédès qui s’était elle aussi entièrement dévêtue, hormis les bas et les souliers, déposait sur un guéridon, à portée d’Inès, un martinet et une gerbe de bouleau. Puis, comme accomplissant un rite accoutumé, elle approcha un pouf tout contre mes pieds, et debout, y courba son buste, ses jambes dressées à droite et à gauche des miennes, dans leur gaine de soie noire nouée au genou d’un large ruban jonquille. De peau ambrée, de formes pleines et rebondies, ses cuisses superbes et sa croupe magnifiquement évasée disposaient devant mes yeux un angle ombré d’effiloches d’un noir d’ébène.

Pas un mot ne troublait la mimique de cette scène et le silence de mon extase sous l’ogive charnelle qu’élevaient au-dessus de moi les jambes élancées d’Inès. La jonction de ses cuisses laissait bâiller sous une vapeur sombre à reflets d’acajou, on eût dit la blessure d’une grenade.

Son torse s’infléchit et je la vis se saisir du martinet. Puis, se plantant un peu de biais, son pied droit prenant sans ménagement appui sur mon ventre, elle fit tourbillonner les longues lanières et en éparpilla violemment le bouquet sur le fessier de Mercédès. Cela fit un bruit sec qu’accompagna un gémissement. Le bras se leva de nouveau, décrivit en l’air un grand cercle et le même bruit mat s’écrasa en raies blanches sur les belles rondeurs. Une troisième volée siffla et vint zébrer la région lombaire. La quatrième et la cinquième s’aplatirent sur le haut des cuisses, dans un élan qui arracha un cri aigu à la victime et m’entra douloureusement le talon de métal dans l’aine. Vingt fois l’ondée stridente des lanières s’abattit sur les tendres chairs, mêlée à une plainte continue qui me semblait s’alanguir à mesure que s’empourpraient les fesses. Sous l’averse qui les enveloppait de ses traits cinglants, les deux quartiers de lune contractés sur leur commissure se cabraient et démenaient en d’émouvantes contorsions qui rejetaient la tête de Mercédès en arrière, tendaient sa gorge et ses seins, puis la redressant, sur ses jambes la creusaient en demi-cercle du grand peigne de sa coiffure à ses souliers de daim noir. Dans les sursauts de son corps tout cramoisi de la taille aux jarrets, le peigne d’écaille qui fixait un volumineux chignon à l’andalouse, glissa et l’abondante chevelure épandit les ondulations de sa nappe de jais.

Sa botte posée sur le relief le plus délicat de ma personne aussi profondément excitée que tremblante de ce spectacle, Inès d’une dernière volée des lanières abattues de bas en haut dans l’intérieur des cuisses, jeta sur les genoux la belle fille pantelante.

Ecroulée comme une loque sur le tapis, les jambes en chien de fusil, la tête sur un bras inerte, les yeux clos, la bouche entr’ouverte, une main convulsivement agitée au bas de son ventre, Mercédès exhalait son âme en des soupirs qui ne me semblaient pas être l’expression de la souffrance.

Toujours campée au-dessus de moi et sans cesser d’agacer mes chairs de son talon, Inès dont je voyais dans la glace le sein se soulever avec la précipitation du plus violent émoi, parut s’absorber un instant dans la volupté douloureuse qui râlait à ses pieds. Puis, passant par-dessus mon corps, elle s’en vint piétiner avec une cruauté sadique les cuisses, les flancs, la gorge de sa camériste, comme elle eût fait d’une pile de coussins. Les bras repliés à la nuque, elle se jucha insolemment sur ce piédestal de chair pelotonnée. En une longue contemplation de sa beauté dans le miroir, jambes et cuisses jointes, ses hanches s’animèrent d’une molle cadence giratoire. Le triangle soyeux des aines pointait et rentrait sa buée noire sur le rythme lent des fesses balancées en rond. Peu à peu, la giration se précipita, la croupe élargit les ondes de ses balancements lascifs ; le ventre fut secoué de saccades ; et la bouche contractée d’Inès laissa échapper une exclamation de bonheur à laquelle un dernier vagissement de Mercédès fit écho comme dans le partage d’une même félicité.




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