Extrait de Le Docteur au Fouet

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Extrait de / Excerpt from : Le Docteur au Fouet.


[Le docteur] Pittsburg n’avait pas fait un mouvement. Il semblait prodigieusement intéressé par cette scène nouvelle qui remuait jusqu’au plus profond ses sens blasés. Et il n’avait garde d’intervenir, se réservant de mettre un diapason à la fureur de Dora lorsqu’il verrait que les choses menaceraient de se gâter.

Celle-ci avait pris une corde et attaché Lucile aussi docile maintenant qu’une fillette, à une sorte de colonnade qui soutenait le pavillon. Elle lui avait brutalement arraché ses vêtements, enlevé son pantalon. Et Pittsburg, de plus en plus réjoui, regardait ces formes pleines et roses vingt fois contemplées mais qu’il lui semblait voir pour la première fois, étant données les circonstances particulières bien faites pour décupler sa jouissance.

Quant à Lucile, elle vivait une sorte de cauchemar et n’avait plus, après l’effort donné, aucune résistance. Le premier coup donné avec la terrible tawse écossaise la surprit à tel point qu’elle ne cria pas et resta inerte comme si elle eut été morte. Le second la laissa pareillement apathique.

Alors, Dora eut peur qu’elle ne sentît rien par un phénomène nerveux, et il lui vint à l’idée d’agir sur elle par la souffrance morale.

— Ma petite, dit-elle, je veux accentuer votre honte. Voyez ! Vous êtes déjà les fesses nues devant votre médecin, eh bien, maintenant, je vais vous les mouiller afin que vous sentiez mieux la correction. Quelle terrible chose de se faire mouiller le derrière comme un gosse de huit ans !

Dora s’excitait en parlant ainsi. Elle eut bientôt la récompense de ses paroles, car Lucile poussa un véritable rugissement et commença à se débattre dans ses liens. Ceux-ci n’avaient pas été aussi bien serrés que ceux de Marthe, de sorte qu’ils laissaient, à dessein, un peu de jeu au corps.

Tout le postérieur était secoué d’une houle. Des frissons passaient à fleur de peau, et les régions lombaires plus pâles s’affirmaient nerveuses et souples.

Dora poursuivit :

— Décidément, vous n’avez aucune pudeur, Mademoiselle de la Horde. A votre place, il me semble que je resterais tranquille au lieu de me trémousser ainsi d’une façon plus qu’équivoque !

Lucile instantanément s’immobilisa. Pittsburg était venu la regarder sous le nez, et il jouissait de son beau visage crispé où le rouge et la pâleur empourpraient ou blanchissaient tour à tour les joues et jusqu’à la naissance des oreilles.

Cette fois Dora, toujours balafrée et dont le visage ressemblait plutôt à celui d’une bête blessée qu’à celui d’une femme, Dora avait visé des parties délicates. Lucile poussa un véritable hurlement. Il lui semblait que toute sa jeune chair s’embrasait. Elle cria :

— Arrêtez ! arrêtez ! vous allez me blesser !

— Erreur, ma belle ! riposta Dora, cela au contraire vous rendra la chair plus ferme et vous habituera.

La cravache s’élevait, s’abaissait, avec une précision affolante. A chaque fois, c’était une nouvelle zébrure qui déchirait les fesses roses, les truffant de marques horribles à voir.

— Ah ! rugissait Dora, cela vous fait mal, tant mieux. Et si vous pouviez voir vos fesses, vous en seriez malade de désespoir. Vous n’oseriez plus vous regarder, ni mettre vos splendides dessous, vos dessous de fille et de demi-mondaine ! Hein ! vous ne crânez plus ! Vous n’espérez plus dans la mansuétude du docteur ! Vous voyez ce qu’il en coûte de s’opposer à Dora Wolff. Je vous avais offert mon amitié. Vous l’avez dédaignée par orgueil. Vous vous croyiez trop grande dame pour accepter l’amitié d’une pauvre infirmière ! Vous m’avez frappée comme vous auriez frappé un de vos chiens. Je vous ferai mourir sous le fouet ! Vous entendez ! Je déchirerai votre chair satinée à laquelle il faut le crêpe de chine et la soie ! Vous ne serez plus rien qu’une esclave m’obéissant et obéissant au docteur. Vous ne ferez plus rien sans nos volontés conjuguées. Vous serez ici la dernière, faisant les plus bas travaux !

Dora hoquetait. Rouge, suante, elle frappait à tour de bras, et ses cheveux ébouriffés par l’effort, collés à ses tempes, son chignon défait, la rendaient, toutes mèches volantes, semblable aux furies. Elle frappait comme une folle, sans réaliser sa fatigue, toute au plaisir d’une vengeance longuement méditée, longuement mûrie, et qui n’était plus seulement le contentement d’une jouissance banale, comme cela se passait pour toutes les pensionnaires, mais la joie raisonnée, faite de haine et d’envie.

Quant à Pittsburg, il ruminait en silence. Le spectacle était trop beau de force et de bestialité pour ne pas lui causer une jouissance sans mélange. Jamais il n’était arrivé à un tel summum, à une telle plénitude. Jamais Dora, dans ses jours les plus violents, n’avait montré un tel entrain. Au fond de lui-même il se réjouissait d’avoir pu réussir une telle performance. Il lui avait fallu évidemment des éléments qui fussent assez différents pour se causer mutuellement une antipathie qui tournait à la folie. Son affaire était en bonne voie. Il n’avait plus qu’à cultiver la haine réciproque chez les deux femmes et il aurait quelque jour des spectacles parfaitement au point, capables de remuer ses sens blasés.



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